lundi 8 février 2021

EDF : Le projet Hercule

 



 

Au nom de la transition énergétique, l’objectif est de décarboner tout le secteur de l’énergie. A quel prix ?

 

« La transition énergétique dans laquelle s’est engagée la France concourt à faire du véhicule électrique un élément important et incontournable de la mobilité durable de demain. En Occitanie, 1 134 bornes publiques ont été mises en service, l’ADEME ayant attribué environ 7 M€ d’aide au titre du Plan Investissement d’Avenir pour ce réseau régional. »

 

C’est à ce moment précis que le gouvernement choisit de démanteler EDF avec le projet Hercule.


Dans la presse du 21/12 : JBS dans la Dépêche 

Jean-Bernard Sempastous a déclaré aux salariés d’EDF que « le projet que porte le gouvernement a pour but de conforter le groupe EDF, qui dispose d’un parc de production d’électricité parmi les plus décarbonés au monde grâce au nucléaire et à l’hydro-électricité, et de lui permettre d’assurer son rôle clef dans la transition énergétique. » Une ambition qui ne va pas sans investissements massifs, d’autant que les grands concurrents européens, eux, continuent à investir largement. Reste en France à trouver une solution pour les financer sachant que "les mécanismes de régulation économique du nucléaire et de l’hydro-électricité, instaurés il y a plusieurs années, ne sont plus adaptés à la réalité des marchés de l’électricité", indique le député, précisant que les négociations entre la France et l’Europe sont en cours.

« Il n’est en rien un démantèlement d’EDF puisqu’il vise au contraire à donner les moyens à l’entreprise intégrée de rester le premier électricien bas carbone d’Europe, en sécurisant le financement de son parc nucléaire et en lui permettant d’investir massivement dans les autres aspects de la transition énergétique »

  

EDF



La conviction du Conseil National de la Résistance, de la nécessité du « retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d'énergie, des richesses du sous-sol » inspire nettement le projet porté à l'Assemblée par Marcel Paul (PCF), qui entendait dès 1945 « gagner la bataille de la nationalisation de l'Électricité et du Gaz. » Le large vote en faveur de la nationalisation est dû à cette considération largement répandue après-guerre que l'énergie constitue en premier lieu un bien public et qu'à ce titre, sa gestion ne peut demeurer dans les mains de sociétés privées.

L'établissement public à caractère industriel et commercial EDF a été créé le 8 avril 1946 à la suite du vote de la loi no 46-628 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, par 491 voix pour et 59 contre.

Depuis 2000, le marché de l’énergie est ouvert à la concurrence suite à la transposition de la directive européenne libéralisant le marché. Depuis cette déréglementation, deux systèmes de tarification coexistent :

-        Délivrée uniquement par EDF une offre « réglementée »- le tarif bleu hérité du monopole de service public pour le particulier - voit ses conditions encadrées par l’État.

-        En parallèle, des offres « de marché » sont vendues par les fournisseurs privés

Très complexe, ce système dérégulé a été conçu dans un but : démanteler progressivement le service public.

En 2010, la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (dite loi « Nome ») mettait en place un mécanisme incroyable, qui oblige EDF à tenir à disposition de ses concurrents privés un volume important de sa production nucléaire (environ le quart) à prix coûtant (42 € / KWh) ! De plus, elle prévoit également de nouvelles modalités de calcul pour le prix réglementé de l’électricité : pour ne pas pénaliser le secteur privé, si les cours de Bourse de l’électricité augmentent, les tarifs régulés devront suivre. Ce qui fait dire à EDF que Bruxelles lui impose de subventionner la concurrence.

Ainsi la baisse promise par l’ouverture à la concurrence de l’entreprise publique, s’est traduite par une hausse de 60% des tarifs entre 2006 et 2020 alors que l’inflation restait inférieure à 20%. Cf Monde diplomatique

Malgré cela, et après plus de vingt ans d’efforts, les libéraux sont déçus : 80 % des clients choisissent encore le tarif réglementé, qui représente 84 % de la consommation des particuliers


Le projet Hercule



Aujourd’hui l’Etat français est propriétaire d’EDF à hauteur de 83,6%.

En mai dernier, Pendant qu’Emmanuel Macron évoquait les « jours heureux » en référence au programme du conseil national de la résistance, ses représentants négociaient à Bruxelles le torpillage de l’une des conquêtes de la Libération.

Le projet Hercule poursuit l’objectif fixée par une directive européenne de 1996 : imposer l’émergence d’acteurs privés tout en demandant à l’Etat d’assurer les risques liés à la filière nucléaire.

Hercule refonderait le groupe en 3 entités :

·         EDF bleu : chargé de la production nucléaire et thermique, auquel serait rattaché RTE (réseau de transport de l’électricité) / Capital public à 100%

·         EDF azur : chargé des concessions hydroélectriques / Capital public à 100%. La perspective de privatisation de l’exploitation de ces ouvrages stratégiques fait l’objet d’âpres négociations entre la Commission européenne et la France. L'Europe a en effet, mis en demeure la France d'ouvrir les barrages à la concurrence.

·         EDF vert : production éolienne et solaire, commercialisation, activités internationales (hors nucléaire), services et Enedis (exploitation des réseaux de distribution) / privatisation en bourse

Quels sont les risques de ce démantèlement ?

·         Disparition des tarifs réglementés pour les particuliers : bien que fortement dégradés, ils représentent encore une valeur refuse car ils mettent les usagers à l’abri de la volatilité des prix. (voir l’exemple de l’Espagne où la tempête Filomena a engendré des augmentation de 75% de la facture d’électricité, ce au nom du principe de l’offre et de la demande :  Augmentation des tarifs en Espagne

·         La stabilité du réseau électrique : le gestionnaire doit garantir à chaque instant l’équilibre parfait entre consommation et production, sous peine de coupures, voire de panne générale (coupure de courant en Californie en 2000 et 2001, conséquence de la libéralisation). La multiplication des acteurs fragiliserait cet équilibre.

·         Conséquences sur la péréquation tarifaire : aujourd’hui Enedis assure une desserte de tout le territoire au même prix. Demain, les actionnaires d’EDF Vert accepteront-ils d’investir à perte dans les zones rurales moins rentables que les grandes agglomérations ?

·         Enfin, ce projet désengage l’Etat vis-à-vis du solaire et de l’éolien qui demanderaient pourtant des investissements publics importants.

Le monopole public français qui avait permis de construire en quelques décennies un réseau et un parc de production capables d’amener l’électricité dans chaque foyer, a été progressivement affaibli par 20 années de dérégulation. Et cette décision arrive au plus mauvais moment. En effet, face à l’urgence climatique, il est indispensable de maintenir un opérateur public fort.

 


 

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