Une nouvelle fois, Alstom se met en travers des rails de CAF (dont une usine est présente sur Bagnères, ex-CFDB)
Le géant du ferroviaire Alstom refuse d'honorer le méga-contrat à 2,56 milliards d'euros de renouvellement des RER B, obtenu par Bombardier, entreprise qu'il vient de racheter.
Bombardier Transport et l'espagnol CAF avaient été retenus le
13 janvier dernier, face à l'offre (plus chère) d'Alstom, pour fournir 146
rames de RER pour 2,56 milliards d'euros, la livraison des premières rames
étant prévue fin 2025. Mais Alstom a multiplié les recours, parvenant à
retarder la signature du contrat jusqu'à sa prise de contrôle de Bombardier
Transport, effective depuis le 29 janvier. Et le 4 février dernier, le
constructeur ferroviaire français Alstom a annoncé qu’il retirait l’offre de
Bombardier qu'il venait d'acquérir, jugé non-viable.
« Alstom
doit exécuter ce contrat et livrer les nouveaux trains, tellement attendus par
des centaines de milliers d'usagers du RER B », a souligné Valérie Pécresse,
Présidente de la Région Ile de France, au sortir d'une réunion avec la RATP et
la SNCF, à qui sont destinés les trains.
« Les
conditions technico-financières de l'offre du consortium Bombardier-CAF ne
correspondent pas aux prix de marché et ne permettent pas d'exécuter ce contrat
sans risques importants pour le financeur, l'exploitant, les voyageurs et pour
notre entreprise », a expliqué le groupe Alstom jeudi.
Mais
plusieurs connaisseurs de l'industrie ferroviaire voient dans ces recours
d'Alstom la volonté d'empêcher le constructeur espagnol CAF de gagner du
terrain sur le marché français, grâce à ses tarifs plus avantageux, inférieurs
de 10 % à 30 %.
La RATP et la
SNCF ont alors expliqué : « Alstom a repris l'ensemble des contrats
et engagements de Bombardier en rachetant l'entreprise. »
« Il ne
faut pas oublier que dans la commande publique, quand vous avez fait une offre,
qu'elle est ferme et qu'elle est acceptée, on ne peut pas négocier », a
souligné sur
BFM Business la PDG de la RATP, Catherine Guillouard.
Retour sur la politique industrielle d’Alstom
En 2014, Patrick Kron décide de
vendre la branche énergie d'Alstom au groupe américain General Electric (GE) face
aux pressions du gouvernement américain et l'emprisonnement abusif d'employés
stratégiques d'Alstom comme Frédéric Pierucci.
Le 5 mai 2014, le gouvernement
français s'oppose à l'offre de General Electric, s'inquiétant des activités
turbine de la filière nucléaire française civile et militaire L'état tente de
renforcer son poids dans la négociation et le 16 mai, il promulgue un
décret qui porte sur la possibilité donnée au gouvernement de mettre un
veto sur des investissements étrangers qui portent atteintes aux intérêts
stratégiques.
Le 4
novembre 2014, le ministre de l'Économie, de
l'Industrie et du Numérique, Emmanuel Macron (successeur
d'Arnaud Montebourg), autorise l’investissement de General Electric dans
Alstom.
Cinq ans plus tard, cette cession
continue de faire couler beaucoup d’encre. Le parquet national financier,
notamment, a récemment indiqué s’être saisi de l’affaire après qu’un député a
émis des soupçons quant à un potentiel « pacte de corruption » impliquant
Emmanuel Macron. Cette transaction, de près de 13 milliards d’euros, était - et
est toujours - qualifiée par ses opposants de "scandale d'Etat", celle-ci
revenant, entre autres, à confier à un groupe étranger la maintenance des turbines des 58 réacteurs nucléaires français.
« Des
prestataires qui ont été rémunérés grâce à la vente d’Alstom Power figuraient
parmi les donateurs de la campagne d’Emmanuel Macron » Olivier Marleix, députe LR en charge de la commission d’enquête.
Février 2019 : la Commission européenne rejette la fusion entre Alstom et Siemens (groupe Allemand) estimant que cette fusion ne respecte pas les règles de concurrence au sein de l'Union Européenne. Siemens serait devenu l’actionnaire principal avec 50 % des parts.
Février 2020, Alstom
annonce l'acquisition des activités ferroviaires de Bombardier (groupe canadien)
pour 6,2 milliards d'euros. Le rachat de Bombardier Transport est approuvé
par la Commission européenne en
juillet 2020. Afin
d'être autorisé à racheter, Alstom a proposé à
Bruxelles de se séparer de son usine de Reichshoffen (Bas-Rhin). Deux candidats
au rachat du site se sont fait connaître à l’automne : le tchèque Skoda
Transportation et l’espagnol CAF.
Présentée
comme un succès du capitalisme tricolore, cette opération de rachat du Canadien
par le Français marque surtout l’arrivée pour le nouveau groupe d’un nouvel
actionnaire de référence: la Caisse des Dépôts et Placements du Québec
même que côté français, l’actionnaire de référence d’Alstom –Bouygues– se
désengage, ouvrant une autoroute aux intérêts canadiens qui deviennent… les
premiers actionnaires de la nouvelle entreprise.
Dernier coup de poignard dans le dos de CAF
CAF était candidat au rachat de l'usine d'Alstom à
Reichshoffen (Bas-Rhin). Mais celle-ci a finalement été cédée au modeste groupe
tchèque Skoda Transportation, malgré la préférence des syndicats d'Alstom… pour
CAF !
Ironie de l’histoire, Skoda devait être
racheté par CRRC (groupe Chinois n°1 mondial du ferroviaire) en 2017. Mais le
gouvernement tchèque avait, au dernier moment, bloqué l’opération. C’est
finalement le milliardaire tchèque Petr Kellner qui avait racheté l’entreprise.
Chez Alstom, certains craignent du coup que l’homme d’affaires tchèque ne
revende Skoda dans quelques années au plus offrant. Une nouvelle occasion pour le Chinois CRRC de revenir à la charge en Europe, et de s’implanter en France.
Le constructeur espagnol CAF qui avait déjà obtenu le
marché de rénovation de 43 rames du RER A, en partie réalisées sur son site des
Hautes-Pyrénées assure que, quelle que soit l'issue du « méga contrat » du RER
B, le groupe basque continuera d'investir dans son usine de Bagnères-de-Bigorre
(Hautes-Pyrénées).
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