jeudi 16 décembre 2021

Train de nuit Paris-Tarbes : Victoire en demi-teinte

 


Train de nuit Paris-Tarbes : Victoire en demi-teinte 

 

Le collectif « Oui au train de nuit » communique sur la relance du train de nuit Paris-Tarbes-Lourdes à compter de ce 12 décembre 2021. Il est prévu que ce train circule quotidiennement sous le nom « le Pyrénéen » à compter de cette date.

Si on ne peut que se satisfaire de cette annonce, on peut cependant regretter que le choix de la SNCF soit loin de répondre aux attentes des usagers et des agents de la SNCF qui demandent la réouverture de cette ligne depuis sa fermeture il y a 5 ans.

Petit rappel : la « Palombe bleue » née en 1979, avait cessé de circuler en 2017, l’État arguant d’un taux de remplissage insuffisant. La Palombe Bleue quittait alors la gare de Paris-Austerlitz peu avant 22 heures ; il transitait par Bordeaux, et la coupure/raccord des voitures pour Pau, Lourdes et Tarbes via la « Dorsale pyrénéenne » s’effectuait alors à Dax, l’autre partie du train poursuivait sa route sur Bayonne et Hendaye. Les voyageurs arrivaient à destination le lendemain matin. Ce train a vu peu à peu ses wagons se dégrader et de ce fait, les usagers le bouder : quel meilleur moyen de supprimer un service public qui fonctionne que de le laisser dépérir sans investir un sou pour maintenir un niveau de qualité satisfaisant. Ce fut le choix de la SNCF.

La pression des collectifs réclamant la réouverture des trains de nuit, la prise en compte de plus en plus prégnante de l’exigence écologiste de la population et les engagements mis en avant pour éviter les émissions de gaz à effet de serre, tout ceci a poussé le gouvernement à faire un micro-geste en faveur du train à la veille d’une élection présidentielle.

Pourquoi un micro-geste : parce que le Pyrénéen est loin, très loin de répondre aux attentes des usagers. En effet, le rétablissement de La Palombe Bleue jusqu’à Hendaye et Dax via Bayonne et Pau n’est prévu que durant la saison estivale. Mais qui plus est, l’itinéraire originel passant par Bordeaux, a été abandonné au profit de celui via Toulouse. La mise en service de la LGV Atlantique avec le lancement des TGV Paris-Bordeaux n’a pas été pour rien dans ce choix. Choix qui n’est pas du goût des élus des Landes et du Pays Basque : "C'est une vision très touristique de notre territoire", regrette Max Brisson, sénateur des Pyrénées-Atlantiques qui pointe également les problèmes d'horaires, qui ne correspondent pas à un train de nuit. "Un train de nuit, ça nécessite de partir en soirée et d'arriver au matin, au petit matin, à des horaires qui permettent de travailler soit à Pau, soit à Hendaye, soit à Paris", précise-t-il, "là, c'est un train de nuit qui vous fait arriver à Hendaye à 11h du matin donc ce n'est plus un train de nuit". Pour rappel, la Palombe Bleue irriguait un territoire de 1,2 millions d’habitants.

« C’est une première victoire après des années de traversée du désert où on présentait les trains de nuit et le tramway comme des transports dépassés, se félicite néanmoins Pascal Daubon (représentant 64 du collectif « oui au train de nuit »). Plusieurs rapports, notamment le rapport Spinetta, faisaient la part belle au TGV et préconisaient l’avion au-delà de 700 km alors que le train de nuit fournit une solution écologique peu chère et pratique puisqu’elle permet de relier des villes moyennes entre elles sans passer par Paris. Maintenant, on va vraiment compter les trains et se méfier des effets d’annonce. Il faut des liaisons quotidiennes, par exemple, pas des trains comme le Paris-Perpignan qui ne fonctionne que le week-end. »

Autre point noir de ce retour en fanfare du train de nuit : le matériel roulant. La SNCF, prise de court par les décisions gouvernementales, a décidé de faire rouler des trains Corail rénovés. Or, si on veut assurer la pérennité de cette ligne, il sera nécessaire de mettre sur les rails des wagons neufs et répondant aux besoins des usagers. Mais la construction d’un train ne se fait pas en 15 jours, loin de là, et aucun appel d’offre n’a encore été lancé.

            Le député des Hautes-Pyrénées, Jean-Bernard Sempastous, communique largement sur cette réouverture, et n’hésite pas à s’en attribuer la paternité ! A lire les déclarations des cheminots CGT (Pierre Lacaze, Christophe Hourcade et Damien Lacrampe), cet « engagement » du député, ils n’ont pas l’air d’en avoir vu la couleur vu qu’ils déclarent que « la seule élue locale à s’être battue pour la « Palombe Bleue » est la député Jeanine Dubié ». Très clairement, nous aurions naturellement davantage tendance à accorder crédit aux cheminots plutôt qu’à l’ancien maire de Bagnères que nous n’avons, en tant qu’élus, jamais vu prendre la moindre position en faveur ni de la liaison Tarbes-Bagnères (qu’il méprisait souverainement) ni du train de nuit vers Paris. Mais les législatives se profilent et la place de député semble plus enviable que celle de prof ! 


Petit rappel sur la SNCF :

La SNCF voit le jour au crépuscule du Front populaire à l’été 1937.

L’État détient 51 % du capital. Il exerce son contrôle par sa voix prépondérante au conseil

Sa transformation en établissement public industriel et commercial est actée le 1er janvier 1983.

La libéralisation du rail européen démarre en 1991 avec l’adoption de deux mesures. La première prévoit la séparation obligatoire entre la gestion des infrastructures et l’exploitation. En France, cela se traduit par la création, pour la gestion des infrastructures, de Réseau ferré de France (RFF), devenu SNCF Réseau en 2015, et sa séparation formelle de la SNCF. La seconde instaure quant à elle un droit d’accès aux réseaux ferroviaires nationaux pour les entreprises européennes, mais seulement pour le transport combiné rail/route.

En 2001 est ensuite adopté le premier “paquet ferroviaire” et les Etats membres s’entendent pour libéraliser, à terme, le fret européen, transnational et même national.

En 2004, avec l’adoption du deuxième paquet ferroviaire, le fret ferroviaire européen est définitivement libéralisé. L’ouverture à la concurrence est effective au 1er janvier 2006 pour le fret international, et au 1er janvier 2007 pour le fret national.

Avec le troisième “paquet ferroviaire” , adopté en 2007, les Etats membres franchissent une étape supérieure dans la libéralisation du rail car, pour la première fois, le transport de passagers est concerné. Les Européens s’entendent en effet pour libéraliser le transport international de passagers à partir de 2010.

Enfin, un quatrième paquet ferroviaire est adopté en 2016. Son contenu est plus sensible encore, car est désormais visé le transport national de passagers.

Deux principales mesures sont alors adoptées, pour un démarrage à partir de la fin 2019 : l’établissement d’appels d’offres pour les lignes conventionnées (lignes régionales (TER) et trains d’équilibre du territoire (Intercités), puis, dans un second temps, l’ouverture des lignes à grande vitesse à la concurrence.

Plus précisément, cela signifie que les régions (en ce qui concerne les TER) et l’Etat (pour les Intercités) peuvent lancer des appels d’offres pour l’exploitation des lignes ferroviaires depuis décembre 2019. Une possibilité qui deviendra obligatoire à partir de 2023.

Quant aux lignes à grande vitesse, le monopole de la SNCF s’est achevé en décembre 2020, avec l’ouverture du réseau à la concurrence internationale.

A l’heure actuelle, l’objectif est celui d’une ouverture totale du transport ferroviaire à la concurrence au plus tard en 2039 pour les dernières lignes (celles de Transilien, qui couvre principalement l’Ile-de-France). Et à moins d’une improbable renégociation de la législation, cet objectif est contraignant.

Les partis Verts soutiennent également la mise en concurrence du rail européen. Seuls quelques élus GUE ou communistes ont soutenu les revendications des cheminots.

Interrogés par « La Vie du rail », Lionel Jospin et Jacques Chirac avaient rivalisé de prudence. « Je m'opposerai à tout démantèlement de la SNCF et à tout changement de son statut d'établissement public. La question de la privatisation ne se pose même pas », affirmait alors Jacques Chirac, assurant vouloir « veiller à l'unité du système ferroviaire ». Une valeur qui reste fondamentale aux yeux de la majorité des cheminots.


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