Cette modalité d’organisation du travail a été brutalement
introduite du jour au lendemain. Dès le mois de mars,
d’invisibles alliés ont participé à forcer les décisions. Les questions du
choix, de l’ajustement progressif et de la pédagogie se sont retrouvées en
quelques jours dépassées par les conséquences de la multiplication d’un virus et
il a fallu “faire avec”, faire avec toutes ces personnes contraintes à demeurer
chez elles du matin jusqu’au soir.
Pourtant cette « révolution » de l’organisation du
travail mijote depuis un moment dans certains cerveaux. Les avantages avancés
sont divers.
Ainsi la CCHB dans son enquête pour l’ouverture d’un
tiers-lieu mettait en question « la lassitude des longs transports
quotidiens pour aller travailler », antienne reprise par les écologistes qui mettent en avant près de 4000 déplacements pendulaires quotidiens entre
Tarbes et Bagnères. C’est oublier un peu vite la multiplicité des connexions,
des vidéo-conférences et la surcharge énergétiques des serveurs centraux !
Autre avantage pour les employeurs, les adeptes du coworking
ou des tiers-lieux leur ont laissé entrevoir la possibilité de réduire leurs
coûts immobiliers et de se défaire de leurs bureaux. Ils pourraient également trouver
un intérêt à transformer leurs salariés en prestataires indépendants postés un
peu partout sur le territoire. De quoi signer définitivement la mort du contrat
de travail…Et donner quelques idées à certains comme par exemple, dans une
sorte de mondialisation renouvelée, embaucher depuis des filiales à l’étranger
des profils qualifiés qui travailleraient depuis leur domicile français sans s’acquitter
des cotisations sociales….
Mais la réalité s’est rappelée très vite aux thuriféraires
du micro-entreprenariat.
*
En France, 18,5 millions d’emplois sur les 27
millions que compte le pays, ne se prêtent pas au télétravail (même l’enseignement
que d’aucuns ont rêvé de pérenniser en distanciel, s’est révélé catastrophique
et à tous les niveaux, de la maternelle à l’université, les apprentissages ne
pouvant passer que par le collectif et les interactions maître/élèves)
*
S’il y a eu entre 25% et 44% de salariés qui ont
télétravaillé durant le premier confinement, ils n’étaient plus que 10% en
juillet. Ce qui tend à montrer que ni les salariés ni les employeurs sont prêts
à le pérenniser.
*
Dans des conditions optimales, on observe des
gains de productivité. Mais travailler entouré d’enfants dans un logement exigu
ou coupé du collectif s’est avéré ne pas être un gage de productivité, bien au
contraire.
Quelles difficultés sont
soulevées par les salariés ?
*
Difficulté à se déconnecter : les salariés
à distance travaillent en moyenne 2 heures de plus que ceux en présentiel. Heures
supplémentaires gratuites pour l’employeur.
*
Si les salariés gagnent en autonomie et en
efficacité, ils se plaignent néanmoins d’isolement et d’une pression
managériale accrue renforcée par les messageries et les logiciels espions, sans
que le contrôle du collectif de travail ne puisse s’exercer.
*
Sans oublier l’absence de séparation lieu de
vie/lieu de travail
Pourtant c’est bien dans le collectif
et dans les interactions avec les collègues que la productivité et la
créativité se déploient le mieux dans une entreprise.
Le Président de la République mène, depuis qu’il a été ministre de François Hollande, un combat sans relâche contre
le monde du travail. Tout d’abord avec la Loi Travail votée en 2016 malgré l’opposition
de la majorité des organisations syndicales, puis avec la « réforme »
(ou plutôt la destruction) du Code du Travail en 2017 et enfin avec la Réforme
de la Fonction Publique. Toutes ces lois suivent le même objectif : mettre
en pièce les collectifs de travail et marginaliser autant que faire se peut,
les organisations syndicales en affaiblissant les possibilités de défenses des
salariés.
Certes, il faut écouter avec
prudence les oracles prédisant l’avènement prochain d’un télétravail généralisé,
permettant de repeupler des vallées désertées et de réduire les déplacement
automobiles rendus inutiles. Mais restons prudents et vigilants car les
libéraux de tout poils n’ont pas fini leur travail de sape et ils sont encore
prêts à continuer leur destruction méthodique des lois qui protègent les
travailleurs, et n’hésiteront pas à utiliser tous les arguments en vogue (de la
réduction des émissions de CO2 à l’équilibre de la vie professionnelle et familiale...).
Les craintes liées au télétravail sont réelles et voilà bien un fait de Société qui mériterait un débat national. Pour autant, il ne faut pas dépeindre aussi négativement cette forme de travail. S'il est réalisé à la demande du salarié, il y a fort à parier que ce dernier y trouve son compte.
RépondreSupprimerUn exemple parmi d'autres, ici au Banu (Espace de coworking Bagnères Numérique) : un salarié de la Société Générale, qui possède une résidence secondaire dans la Vallée de Lesponne, a passé son second confinement sur le territoire et envisageait de s'installer définitivement ici, quitte à faire quelques aller-retours vers Paris. Ces cas ne sont pas isolés et qui pourrait se plaindre d'attirer vers des territoires habituellement désertés et vieillissants des familles avec enfants et disposant de revenus plus élevés ?
Enfin, et je prêche à nouveau pour ma paroisse, le télétravail exercé dans un espace de coworking répond à 2 problématiques de cette forme de salariat :
* En travaillant à distance mais dans un lieu où on côtoie d'autres travailleurs, on n'est plus isolé comme chez soi et on retrouve assez vite le même plaisir qu'on avait à côtoyer ses collègues de bureau. Parfois, ce plaisir est même plus grand car le fait de rencontrer des salariés d'horizons différents est vécu comme un enrichissement personnel.
* Pour l'entreprise, cela résout en partie le problème lié au management et au sentiment de déconnexion vis-à-vis de l'entreprise. Je prends à nouveau un cas vécu ici : un chef d'entreprise toulousain a visité le BANU à l'occasion d'un déplacement commercial afin de s'assurer que son salarié travaillerait dans des conditions idéales. Il a finalement donné son accord ayant validé que l'environnement convenait, mais aussi pour une autre raison : le responsable de l'espace de coworking peut être considéré comme un "tiers de confiance", permettant de s'assurer que la salarié respecte bien ses horaires par exemple. C'est toujours mieux que d'installer des logiciels espions sur le poste du salarié en télétravail afin de voir s'il tape régulièrement sur son clavier ou autres astuces très limites.
Pour conclure, je rappelle que le télétravail doit s'exercer sur la base du volontariat, mais qu'il s'agit d'une chance à saisir pour les territoires ruraux qui peuvent ainsi freiner, voire inverser l'exode en favorisant l'accueil de familles entières. C'est bon pour le commerce local, c'est bon pour les taxes locales et ça peut aussi apporter de nouveaux élèves dans les écoles. Enfin, ce ne sont pas seulement des gens avec de plus hauts revenus qui reviennent, mais des gens avec des compétences nouvelles et qui, demain, seront peut-être recrutés par des entreprises locales qui étaient jusqu'à présent en pénurie sur ces compétences. C'est notamment le cas dans les nouvelles technologies et l'informatique.
Pour en savoir plus sur le BANU, c'est ici :
https://banu-bagneres-coworking.business.site/
Ce billet est intéressant - comme toujours -, j'aurais mis un point d'interrogation à la fin du titre.
RépondreSupprimerOn dit familièrement que la vérité se situe au milieu, une étude statistique des professions et du temps passé par chacun dans ces lieux de coworking reflèterait sans doute la tendance, bien sûr mise à jour avec l'évolution des métiers.
Le télétravail à la maison semble plus compliqué quand il s'affiche à temps complet paraît-il, certaines études montrent les limites.
Sans doute un appoint précieux pour des déplacements parfois superfétatoires, mais aujourd'hui dans le cas de l'enseignement c'est une catastrophe, j'ai entendu l'appel au secours d'un étudiant, j'imagine les dégâts pour acquérir les apprentissages de base.
Billet excellent dans l'air du temps, il lève des vrais questionnements, le coworking me semble un abri plus temporaire que durable, mais sans conteste plus convivial quand on se déplace.