Au nom de la transition énergétique, l’objectif est de
décarboner tout le secteur de l’énergie. A quel prix ?
« La transition énergétique dans laquelle s’est
engagée la France concourt à faire du véhicule électrique un élément important
et incontournable de la mobilité durable de demain. En Occitanie,
1 134 bornes publiques ont été mises en service, l’ADEME ayant attribué environ 7 M€ d’aide au
titre du Plan Investissement d’Avenir pour ce réseau régional. »
C’est à ce moment précis que le gouvernement choisit de
démanteler EDF avec le projet Hercule.
Jean-Bernard Sempastous a déclaré aux salariés d’EDF que « le projet que porte le
gouvernement a pour but de conforter le groupe EDF, qui dispose d’un parc de
production d’électricité parmi les plus décarbonés au monde grâce au nucléaire
et à l’hydro-électricité, et de lui permettre d’assurer son rôle clef dans la
transition énergétique. » Une ambition qui ne va pas sans investissements massifs, d’autant
que les grands concurrents européens, eux, continuent à investir largement.
Reste en France à trouver une solution pour les financer sachant que "les
mécanismes de régulation économique du nucléaire et de l’hydro-électricité,
instaurés il y a plusieurs années, ne sont plus adaptés à la réalité des
marchés de l’électricité", indique le député, précisant que les
négociations entre la France et l’Europe sont en cours.
« Il
n’est en rien un démantèlement d’EDF puisqu’il vise au contraire à donner les
moyens à l’entreprise intégrée de rester le premier électricien bas carbone
d’Europe, en sécurisant le financement de son parc nucléaire et en lui
permettant d’investir massivement dans les autres aspects de la transition
énergétique »
EDF
La conviction du Conseil National de la Résistance, de la nécessité
du « retour à la nation des grands moyens de production monopolisée,
fruits du travail commun, des sources d'énergie, des richesses du
sous-sol » inspire nettement le projet porté à l'Assemblée par Marcel Paul (PCF), qui entendait dès 1945 « gagner la bataille de
la nationalisation de l'Électricité et du Gaz. » Le large vote en faveur
de la nationalisation est dû à cette considération largement répandue après-guerre
que l'énergie constitue en premier lieu un bien public et qu'à
ce titre, sa gestion ne peut demeurer dans les mains de sociétés privées.
L'établissement public à caractère industriel et commercial EDF a été créé
le 8 avril 1946 à la suite du
vote de la loi no 46-628
sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, par 491
voix pour et 59 contre.
Depuis 2000, le marché de l’énergie est ouvert à la concurrence suite à
la transposition de la directive européenne libéralisant le marché. Depuis cette déréglementation, deux
systèmes de tarification coexistent :
-
Délivrée
uniquement par EDF une offre « réglementée »- le tarif bleu hérité du monopole de service public pour
le particulier - voit ses conditions encadrées par l’État.
-
En
parallèle, des offres « de
marché » sont vendues par les fournisseurs
privés
Très complexe, ce système dérégulé a été conçu dans un but :
démanteler progressivement le service public.
En 2010, la loi portant nouvelle organisation du marché de
l’électricité (dite loi « Nome ») mettait en place un mécanisme
incroyable, qui oblige EDF à tenir à disposition de ses concurrents privés un
volume important de sa production nucléaire (environ le quart) à prix coûtant (42 € / KWh) ! De plus, elle prévoit également de
nouvelles modalités de calcul pour le prix réglementé de l’électricité :
pour ne pas pénaliser le secteur privé, si les cours de Bourse de l’électricité
augmentent, les tarifs régulés devront suivre. Ce qui fait dire à EDF que Bruxelles lui impose de subventionner la concurrence.
Ainsi la baisse promise par l’ouverture à la concurrence de l’entreprise
publique, s’est traduite par une hausse de 60% des tarifs entre 2006 et 2020
alors que l’inflation restait inférieure à 20%. Cf Monde diplomatique
Malgré cela, et après plus de vingt ans d’efforts, les libéraux
sont déçus : 80 %
des clients choisissent encore le tarif réglementé, qui représente 84 % de la consommation des particuliers
Le projet Hercule
Aujourd’hui l’Etat français est propriétaire d’EDF à hauteur de 83,6%.
En mai dernier, Pendant qu’Emmanuel Macron évoquait les « jours
heureux » en référence au programme du conseil national de la résistance,
ses représentants négociaient à Bruxelles le torpillage de l’une des conquêtes
de la Libération.
Le projet Hercule poursuit l’objectif fixée par une directive européenne
de 1996 : imposer l’émergence d’acteurs privés tout en demandant à l’Etat
d’assurer les risques liés à la filière nucléaire.
Hercule refonderait le groupe en 3 entités :
·
EDF
bleu : chargé de la production nucléaire et thermique, auquel serait
rattaché RTE (réseau de transport de l’électricité) / Capital public à 100%
·
EDF
azur : chargé des concessions hydroélectriques / Capital public à 100%. La
perspective de privatisation de l’exploitation de ces ouvrages stratégiques
fait l’objet d’âpres négociations entre la Commission européenne et la France. L'Europe a en effet, mis en demeure la France d'ouvrir les barrages à la concurrence.
·
EDF
vert : production éolienne et solaire, commercialisation, activités
internationales (hors nucléaire), services et Enedis (exploitation des réseaux
de distribution) / privatisation en bourse
Quels sont les risques de ce démantèlement ?
·
Disparition
des tarifs réglementés pour les particuliers : bien que fortement
dégradés, ils représentent encore une valeur refuse car ils mettent les usagers
à l’abri de la volatilité des prix. (voir l’exemple de l’Espagne où la tempête
Filomena a engendré des augmentation de 75% de la facture d’électricité, ce au
nom du principe de l’offre et de la demande : Augmentation des tarifs en Espagne
·
La stabilité
du réseau électrique : le gestionnaire doit garantir à chaque instant l’équilibre
parfait entre consommation et production, sous peine de coupures, voire de
panne générale (coupure de courant en Californie en 2000 et 2001, conséquence
de la libéralisation). La multiplication des acteurs fragiliserait cet équilibre.
·
Conséquences
sur la péréquation tarifaire : aujourd’hui Enedis assure une desserte de
tout le territoire au même prix. Demain, les actionnaires d’EDF Vert
accepteront-ils d’investir à perte dans les zones rurales moins rentables que
les grandes agglomérations ?
·
Enfin,
ce projet désengage l’Etat vis-à-vis du solaire et de l’éolien qui demanderaient
pourtant des investissements publics importants.
Le monopole public français qui avait permis de construire en quelques
décennies un réseau et un parc de production capables d’amener l’électricité
dans chaque foyer, a été progressivement affaibli par 20 années de
dérégulation. Et cette décision arrive au plus mauvais moment. En effet, face à
l’urgence climatique, il est indispensable de maintenir un opérateur public
fort.