Train de nuit Paris-Tarbes : Victoire en demi-teinte
Le collectif « Oui au train de
nuit » communique sur la relance du train de nuit Paris-Tarbes-Lourdes à
compter de ce 12 décembre 2021. Il est prévu que ce train circule quotidiennement
sous le nom « le Pyrénéen » à compter de cette date.
Si on ne peut que se
satisfaire de cette annonce, on peut cependant regretter que le choix de la
SNCF soit loin de répondre aux attentes des usagers et des agents de la SNCF
qui demandent la réouverture de cette ligne depuis sa fermeture il y a 5 ans.
Petit rappel : la « Palombe
bleue » née en 1979, avait cessé de circuler en 2017, l’État arguant d’un
taux de remplissage insuffisant. La Palombe Bleue
quittait alors la gare de Paris-Austerlitz peu avant 22 heures ; il
transitait par Bordeaux, et la coupure/raccord des voitures pour Pau, Lourdes
et Tarbes via la « Dorsale pyrénéenne » s’effectuait alors à Dax, l’autre
partie du train poursuivait sa route sur Bayonne et Hendaye. Les voyageurs
arrivaient à destination le lendemain matin. Ce train a vu peu à peu ses wagons
se dégrader et de ce fait, les usagers le bouder : quel meilleur moyen de
supprimer un service public qui fonctionne que de le laisser dépérir sans
investir un sou pour maintenir un niveau de qualité satisfaisant. Ce fut le
choix de la SNCF.
La pression des collectifs réclamant la
réouverture des trains de nuit, la prise en compte de plus en plus prégnante de
l’exigence écologiste de la population et les engagements mis en avant pour
éviter les émissions de gaz à effet de serre, tout ceci a poussé le
gouvernement à faire un micro-geste en faveur du train à la veille d’une
élection présidentielle.
Pourquoi un micro-geste : parce que le Pyrénéen est
loin, très loin de répondre aux attentes des usagers. En effet, le
rétablissement de La Palombe Bleue jusqu’à Hendaye et Dax via
Bayonne et Pau n’est prévu que durant la saison estivale. Mais qui plus est,
l’itinéraire originel passant par Bordeaux, a été abandonné au profit de celui
via Toulouse. La mise en service de la LGV Atlantique avec le lancement des TGV
Paris-Bordeaux n’a pas été pour rien dans ce choix. Choix qui n’est pas du goût
des élus des Landes et du Pays Basque : "C'est une vision très touristique de notre
territoire",
regrette Max Brisson, sénateur des Pyrénées-Atlantiques qui pointe
également les problèmes d'horaires, qui ne correspondent
pas à un train de nuit. "Un train de nuit, ça nécessite de partir
en soirée et d'arriver au matin, au petit matin, à des horaires qui permettent
de travailler soit à Pau, soit à Hendaye, soit à Paris",
précise-t-il, "là, c'est un train de nuit qui vous fait arriver à
Hendaye à 11h du matin donc ce n'est plus un train de nuit". Pour
rappel, la Palombe Bleue irriguait un territoire de 1,2 millions d’habitants.
« C’est une première victoire après des années de
traversée du désert où on présentait les trains de nuit et le tramway comme des
transports dépassés, se félicite néanmoins Pascal Daubon (représentant
64 du collectif « oui au train de nuit »). Plusieurs
rapports, notamment le rapport Spinetta, faisaient la part belle au TGV et
préconisaient l’avion au-delà de 700 km alors que le train de nuit fournit
une solution écologique peu chère et pratique puisqu’elle permet de relier des
villes moyennes entre elles sans passer par Paris. Maintenant, on va vraiment
compter les trains et se méfier des effets d’annonce. Il faut des liaisons
quotidiennes, par exemple, pas des trains comme le Paris-Perpignan qui ne
fonctionne que le week-end. »
Autre point noir de ce
retour en fanfare du train de nuit : le matériel roulant. La SNCF, prise
de court par les décisions gouvernementales, a décidé de faire rouler des trains
Corail rénovés. Or, si on veut assurer la pérennité de cette ligne, il sera
nécessaire de mettre sur les rails des wagons neufs et répondant aux besoins
des usagers. Mais la construction d’un train ne se fait pas en 15 jours, loin
de là, et aucun appel d’offre n’a encore été lancé.
Le député des Hautes-Pyrénées, Jean-Bernard Sempastous, communique largement sur cette réouverture, et n’hésite pas à s’en attribuer la paternité ! A lire les déclarations des cheminots CGT (Pierre Lacaze, Christophe Hourcade et Damien Lacrampe), cet « engagement » du député, ils n’ont pas l’air d’en avoir vu la couleur vu qu’ils déclarent que « la seule élue locale à s’être battue pour la « Palombe Bleue » est la député Jeanine Dubié ». Très clairement, nous aurions naturellement davantage tendance à accorder crédit aux cheminots plutôt qu’à l’ancien maire de Bagnères que nous n’avons, en tant qu’élus, jamais vu prendre la moindre position en faveur ni de la liaison Tarbes-Bagnères (qu’il méprisait souverainement) ni du train de nuit vers Paris. Mais les législatives se profilent et la place de député semble plus enviable que celle de prof !
Petit rappel sur la SNCF :
La SNCF voit le jour au
crépuscule du Front populaire à l’été 1937.
L’État détient 51 % du
capital. Il exerce son contrôle par sa voix prépondérante au conseil
Sa transformation en
établissement public industriel et commercial est actée le 1er janvier 1983.
La libéralisation du rail
européen démarre en 1991 avec l’adoption de deux mesures. La première prévoit
la séparation obligatoire entre la gestion des infrastructures et
l’exploitation. En France, cela se traduit par la création, pour la gestion des
infrastructures, de Réseau ferré de France (RFF), devenu SNCF Réseau en 2015,
et sa séparation formelle de la SNCF. La seconde instaure quant à elle un droit
d’accès aux réseaux ferroviaires nationaux pour les entreprises européennes,
mais seulement pour le transport combiné rail/route.
En 2001 est ensuite adopté le
premier “paquet ferroviaire” et les Etats membres s’entendent pour libéraliser,
à terme, le fret européen, transnational et même national.
En 2004, avec l’adoption du
deuxième paquet ferroviaire, le fret ferroviaire européen est définitivement
libéralisé. L’ouverture à la concurrence est effective au 1er janvier 2006 pour
le fret international, et au 1er janvier 2007 pour le fret national.
Avec le troisième “paquet
ferroviaire” , adopté en 2007, les Etats membres franchissent une étape
supérieure dans la libéralisation du rail car, pour la première fois, le
transport de passagers est concerné. Les Européens s’entendent en effet pour
libéraliser le transport international de passagers à partir de 2010.
Enfin, un quatrième paquet
ferroviaire est adopté en 2016. Son contenu est plus sensible encore, car est
désormais visé le transport national de passagers.
Deux principales mesures sont
alors adoptées, pour un démarrage à partir de la fin 2019 : l’établissement
d’appels d’offres pour les lignes conventionnées (lignes régionales (TER) et
trains d’équilibre du territoire (Intercités), puis, dans un second
temps, l’ouverture des lignes à grande vitesse à la concurrence.
Plus précisément, cela
signifie que les régions (en ce qui concerne les TER) et l’Etat (pour les
Intercités) peuvent lancer des appels d’offres pour l’exploitation des lignes
ferroviaires depuis décembre 2019. Une possibilité qui deviendra obligatoire à
partir de 2023.
Quant aux lignes à grande
vitesse, le monopole de la SNCF s’est achevé en décembre 2020, avec l’ouverture
du réseau à la concurrence internationale.
A l’heure actuelle,
l’objectif est celui d’une ouverture totale du transport ferroviaire à la
concurrence au plus tard en 2039 pour les dernières lignes (celles de Transilien,
qui couvre principalement l’Ile-de-France). Et à moins d’une improbable
renégociation de la législation, cet objectif est contraignant.
Les partis Verts
soutiennent également la mise en concurrence du rail européen. Seuls quelques
élus GUE ou communistes ont soutenu les revendications des cheminots.
Interrogés par « La Vie
du rail », Lionel Jospin et Jacques Chirac avaient rivalisé de prudence. «
Je m'opposerai à tout démantèlement de la SNCF et à tout changement de son
statut d'établissement public. La question de la privatisation ne se pose même
pas », affirmait alors Jacques Chirac, assurant vouloir «
veiller à l'unité du système ferroviaire ». Une valeur qui reste
fondamentale aux yeux de la majorité des cheminots.